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Gouverner la nature par les communs. Magistratures, communautés, régulations

Mardi 15 mars 2022 de 9h à 13h - Matinée d'études

MàJ : 25/02/2022

Présentation

L’histoire très ancienne de la régulation des ressources (eaux, forêts, pêcheries, mines, etc.) et des nuisances est étroitement associée en France à celle du pouvoir incarnant la puissance publique. Faire l’histoire des régulations des choses de l’environnement engage ainsi à faire l’histoire de la souveraineté. Le droit de l’environnement comme discipline académique est largement issu de cette construction historique : s’inscrivant d’abord dans le droit public, il assume une filiation avec le droit administratif et tend à développer des formes de restriction des libertés propriétaires ou contractuelles. Une lecture en termes de continuités historiques des régulations environnementales, sous la houlette de l’État, masque cependant des déplacements cruciaux sur lesquels nous souhaitons porter l’attention.

D’une part, elle tend à minimiser le rôle joué dans l’histoire par d’autres collectifs en charge de gérer les ressources de l’environnement. Cette dimension est sans doute la mieux explorée aujourd’hui, grâce notamment au développement des études sur les communs qui ont mis en lumière des dispositifs collectifs de gestion des ressources à des échelles régionales, locales, voire infra communales.

D’autre part, cette lecture ne rend pas compte des transformations radicales de l’État entre Ancien Régime et période contemporaine et renforce une tendance historiographique lourde qui conforte une naturalisation de l’administration, présentée comme première fonction de l’État, voire comme constitutive de l’État depuis son origine. C’est à l’aune de la nouveauté d’une administration étatique séparée d’avec l’autorité judiciaire, mais dotée, par ses attributions en matière de police, d’un pouvoir à la fois coercitif et réglementaire, que nous voudrions analyser une série de processus qui modifient les formes de régulation des environnements.

Quels sont les effets de la disparition des multiples magistratures et juridictions anciennement dotées de compétences sur les ressources et les nuisances (des juridictions des eaux de l’Espagne méridionale aux juridictions de la mer et des rivages qu’étaient les amirautés anglaises ou françaises, etc.) ? De quelles manières des institutions ayant des compétences en matière de réglementation des usages de la nature subsistent-elles, bien qu’elles soient devenues des sortes d’objets juridiques non identifiés dans la nouvelle architecture des États administratifs (prud’homies de pêche, communautés d’habitants ou consulats, syndics de propriétaires pour la gestion de marais, de pâturages, de ressources en eau, etc.) ?

Le sort des choses de la nature, de leurs usages et des institutions qui les soutiennent, pose donc de manière aiguë la question des formes de régulation dans la période postrévolutionnaire et la place des régulations juridiques parmi elles. Tout en se gardant de tomber dans une idéalisation des régulations juridiques des environnements face à une logique administrative en soutien de l’industrialisation, d’une juridicité coutumière ou d’une police de la nature attentive à l’environnement des habitants, cette matinée d'études organisée par Alice Ingold (GRHEN) et Romain Grancher (FRAMESPA) sera l’occasion d’interroger collectivement les catégories au travers desquelles les sociétés ont pensé les savoirs et les régulations de leurs environnements (police, juridictions, droit civil, etc.).

 

Programme

  • Florian Grisel (University of Oxford, Centre for Socio-Legal Studies) : Les ordres privés dans la gouvernance des ressources halieutiques : le cas de la Prud'homie de Pêche de Marseille
  • Romain Grancher (CNRS, FRAMESPA) : Les institutions de la pêche des huîtres : enquête sur un commun maritime (baie de Cancale, XVIIIe-XIXe siècle)
  • Giulia Beltrametti (Marie Skłodowska-Curie Actions Fellow, Université de Primorska, Institute of Intercultural Studies) : Les frontières de la propriété. Pratiques d'utilisation et de possession entre transformations juridictionnelles et politiques étatiques (Italie-Slovénie, XIXe-XXe siècle)
  • Alice Ingold (EHESS, CRH) : Les Associations syndicales des eaux, un parcours entre communs et établissements publics (France, XIXe siècle)

 

Lieu 

Salle BS1_28 (sous-sol)

EHESS - 54 bd Raspail, 75006 Paris

Les participant.es doivent préalablement être inscrit.es au séminaire de l'EHESS "Conserver, mobiliser, restaurer la nature. Institutions, droits et savoirs" ou contacter Alice Ingold : ingold@ehess.fr
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Tél. : +33 (0)1 49 54 24 42
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Dernière modification :
14/03/2024